Couverture ElectroniqueS n°127

Le site porte-étendard des circuits intégrés les plus avancés en France, le site de l'Alliance Crolles 2 (STMicroelectronics, NXP et Freescale), va sans doute voir sa vocation profondément modifiée dans les jours qui viennent. Toutes les sociétés de semi-conducteurs du monde occidental (sauf Intel, Samsung et AMD) souhaitent actuellement devenir le plus « fabless » possible pour leurs circuits avancés afin de diminuer leurs prix de revient et améliorer leur réactivité. Mais elles veulent néanmoins garder un pied dans les technologies avancées à la fois pour avoir la maîtrise des performances de leurs circuits et pour pouvoir négocier en connaissance de cause avec leurs sous-traitants fondeurs. Dans ce contexte, la vocation de l'Alliance entre STMicroelectronics, NXP et Freescale était jusqu'ici très claire : une unité de production basée à Crolles développait puis produisait en « petites » séries des circuits avancés en attendant que les fondeurs prennent le relais pour de grandes séries. Le temps d'accès au marché pour introduire les nouveaux circuits devait ainsi être réduit et les coûts d'investissement dans l'usine dite Crolles 2 partagés en trois. Du moins théoriquement.Car Crolles 2 n'arrive pas à tenir ses promesses. Ses coûts de production dépassent largement les 4 000 $ la tranche en technologie 90 nm alors que TSMC la propose à 3 000 $ (en grandes quantités). Et cette unité, malgré des annonces en fanfare, ne produit toujours pas de circuits 65 nm en quantités alors que les grands fondeurs mondiaux ont qualifié cette technologie depuis plusieurs mois. Philips (aujourd'hui devenu NXP) a été le premier à réagir, bien avant l'externalisation de son activité semiconducteurs : la société n'a plus utilisé son quota de production de tranches sur le site dès que les coûts s'y sont avérés trop élevés, à savoir dès 2005. Depuis quelques mois, STMicroelectronics lui-même n'utilise plus le sien pour les mêmes raisons, même si, officiellement, « ST n'a pas besoin de cette capacité ».Jusqu'au troisième trimestre 2006, Freescale a par contre utilisé plus que la capacité de production qui lui est normalement réservée. Depuis quelques semaines, la société n'utilise toutefois que juste son quota – qui correspond sans doute au nombre de tranches jugé nécessaire pour « maîtriser » sa technologie. Si bien que, malgré la faiblesse de sa capacité de production -2 500 tranches par mois, le 1/10 de celle de TSMC –, Crolles 2 est sous-utilisé, rendant impossible l'amortissement normal des investissements réalisés.Vers une « petite » fonderie ?Dans le cadre de sa nouvelle stratégie et à notre connaissance, NXP a décidé de se retirer de l'Alliance (cette annonce n'est toujours pas officielle). Ne devraient subsister fin 2007 des accords en cours que quelques thèmes de recherche correspondant à un budget très restreint. La société Freescale, elle, a toujours voulu poursuivre l'aventure. Il faut dire que Crolles 2 représente sa seule unité Cmos 300 mm et qu'elle ne peut pas prétendre maîtriser ses technologies si elle ne produit pas elle-même au moins 100 tranches par jour. Mais pas question pour autant que Crolles 2 devienne sa danseuse.Durant le der nier semestre 2006, Freescale a donc regardé si d'autres alternatives étaient possibles pour maîtriser ses technologies Cmos de pointe et en particulier une alliance avec IBM, lui-même déjà associé à de nombreux partenaires pour réduire ses coûts. Conclusion : une telle alliance au niveau recherche est possible, mais, semble-t-il, seulement à partir de la technologie 32 nm, la technologie 45 nm étant trop proche des débouchés industriels pour qu'un nouveau partenaire s'y associe. ST, de son côté, veut continuer à maîtriser ses technologies et à amortir l'investissement de Crolles 2. Voyant NXP se retirer, la société a donc aussi cherché d'autres partenaires. Parmi les pistes sérieuses, TSMC a été approché mais le fondeur n'a pas vraiment besoin de capacités de production en Europe. IBM a aussi été approché fin 2006 et lui, par contre, pourrait avoir besoin de capacités de production 300 mm si ces dernières ne lui coûtent pas trop cher. Son usine 300 mm de East Fishkill est en effet très souvent saturée. IBM n'a par contre aucun besoin d'aide pour sa R&D menée avec d'autres et pour laquelle il figure parmi les leaders mondiaux ; il posséderait d'ailleurs au moins un an d'avance sur ST au niveau 65 nm. D'où l'idée qui était étudiée par ST et Freescale à la fin de l'année dernière et qui l'est probablement toujours aujourd'hui : comment transformer Crolles 2 en une petite unité de fonderie au service d'une nouvelle Alliance qui puisse être compétitive sur le marché mondial (l'objectif apparent – atteindre un coût de 3 000 $ la tranche – serait d'obtenir un prix de revient à Crolles 2 égal à un prix de vente TSMC). Mais alors, quid de l'activité développements technologiques de ST qui, jusqu'ici, étaient faits sur le site de Crolles 2 ? IBM apportera-t-il aussi sa technologie à Crolles 2 ? Réponse, en principe, dans quelques jours.

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