Couverture ElectroniqueS n°127

Steve Dodsworth, directeur des circuits pour infrastructures chez Agere Europe, estime que les fournisseurs de semiconducteurs sont en train de grignoter les prérogatives des fabricants de cartes pour systèmes télécoms. Agere lance une gamme de cartes réseaux de référence avec d'autres fabricants de composants, AMCC introduit sous le label Mission des solutions d'interconnexion complètes, Intel multiplie les accords d'interfaces communes, PMC-Sierra collabore avec Tribia en stockage réseaux… Les fabricants de semiconducteurs auraient-ils décidé de prendre à leur charge la conception de cartes ?On assiste tout simplement à la prise de conscience par l'industrie des semiconducteurs et de l'optoélectronique que les fabricants d'équipements télécoms et réseaux ont de plus en plus besoin de designs de référence pour mettre leurs offres sur le marché plus rapidement. Il y a encore trois ans, entre 60 et 70 plate-formes coexistaient sur l'ensemble du marché des équipements réseaux (DSLAM, commutateurs, routeurs, etc.) ; aujourd'hui, grâce à l'avènement des systèmes multiservices et à l'utilisation croissante de composants programmables (processeurs réseaux notamment), une trentaine de plates-formes suffisent pour couvrir tous les besoins, et ce chiffre descendra à une petite vingtaine d'ici deux ou trois ans.Est-ce dû à la complexité grandissante du traitement des données mis en jeu sur ces cartes ?Pas vraiment, car même s'il est vrai que les performances explosent, les formats de données, les algorithmes de traitement ou encore les interfaces sont de plus en plus standardisés. En fait, la principale cause est la crise des télécoms qui a frappé de plein fouet ces fabricants d'équipements d'infrastructures. Ces derniers ont été contraints de réduire considérablement leurs effectifs, essentiellement dans le développement de matériel : ils ont donc perdu une partie de leur savoir-faire en la matière. Dans le même temps, ces fabricants ont fermé nombre de leurs usines de production et font appel massivement à la sous-traitance. Tout cela les a un peu éloignés du contact physique avec les cartes et les composants. Pourtant, même si la bande passante installée il y a deux ou trois ans au c&oelig;ur des réseaux sera sans doute encore largement suffisante dans cinq ans, la demande reste forte pour les équipements d'accès, qui permettent d'utiliser au mieux cette bande passante. Par exemple, les opérateurs télécoms sont aujourd'hui très nerveux de voir arriver les offres de communications vocales des fournisseurs d'accès haut débit (ADSL ou autres), et se voient obligés de modifier rapidement leurs équipements d'accès en conséquence.Mais les fabricants d'équipements ne sont-ils pas inquiets de voir échapper une partie de leur savoir-faire et donc de leur valeur ajoutée ?Sans doute, mais ils n'ont plus les moyens de faire autrement ! Sans la crise, cette redistribution des rôles n'aurait clairement pas été possible, mais aujourd'hui les fabricants d'équipements doivent se concentrer sur la personnalisation de haut niveau, principalement logicielle. Le reste est laissé aux fabricants de composants : notre offre Festino consiste ainsi en un ensemble de cartes systèmes de référence basées sur nos circuits réseaux, les composants optoélectroniques d'Agilent et les circuits d'interface d'Exar, le tout testé, validé et prêt à être industrialisé chez Celestica. Grâce à ce type de plates-formes prêtes à l'emploi, le fabricant d'équipements peut réduire ses coûts de développement de 50 %, ce qui se répercute sur l'opérateur par un gain d'environ 30 % soit à peu près l'équivalent de la réduction de leurs budgets d'investissement depuis deux ans. C'est aussi une bonne solution pour les fabricants asiatiques (chinois et autres), qui manquent parfois de savoir-faire en conception de cartes.N'est-il pas délicat de rassembler autour d'une carte de référence des fournisseurs de semi-conducteurs souvent concurrents par ailleurs ?Les fabricants de composants, qui ont pour la plupart des “ trous ” dans leurs catalogues produits, y trouvent leur compte, surtout en ces temps de crise. Cela nécessite seulement de travailler sur la carte en même temps que sur les circuits, et de manière synchronisée entre les différents partenaires. Dans certains cas, nous avons recours à des FPGA pour simuler des circuits qui ne sont pas encore complètement finalisés.Cette approche “ prête à l'emploi ” est-elle cantonnée aux systèmes réseaux ?Non, la stratégie modulaire commence également à percer dans les stations de base et autres équipements purement télécoms, grâce à l'adoption de normes d'interconnexion acceptées par l'industrie. Grâce à des collaborations telles que celles du CPRI et l'OBSAI (*), des interfaces standards se dessinent par exemple au niveau du sous-système radiofréquence, du traitement DSP des canaux en bande de base et de l'interface réseau. On peut donc y espérer une meilleure interopérabilité et une vraie approche multisource.(*) Le CPRI (Common Public Radio Interface) et l'OBSAI (Open Base Station Architecture Initiative) sont deux groupes de travail constitués de nombreux industriels et visant à définir des interfaces internes ouvertes dans les stations de base 3G.

« Les fabricants de circuits prennent à leur compte la conception de cartes télécoms »

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