Couverture ElectroniqueS n°127

Sur un marché mature, les éditeurs de logiciels de CAO de circuits imprimés mettent l'accent sur l'intégration de ces outils dans l'environnement de l'entreprise. Parallèlement, les innovations récentes portent essentiellement sur des technologies de conception ou de routage à un niveau d'abstraction élevé, afin de faire face à la complexité croissante des cartes, ainsi qu'à l'intégration des FPGA sur ces circuits. Depuis 2001, la vague de rachats successifs, qui avait marqué la vie du secteur des éditeurs d'outils de conception de circuits imprimés durant les années quatre-vingt-dix (*), s'est arrêtée, laissant apparaître un paysage dominé par quatre sociétés : Mentor, Cadence, Zuken et Altium. Les trois premières, acteurs historiques de ce marché, détiennent environ 70 % du marché global des outils de conception de PCB estimé entre 390 M$ (chiffres EDA Consortium, 2006) et 506 M$ (Etude de marché pour 2006 du consultant Gary Smith, mais avec un périmètre d'analyse plus large que les stricts outils de conception). Le quatrième acteur du marché, l'australien Altium, historiquement Protel créé en 1995, devenu groupe Altium en 2001 suite au rachat de Tasking, s'est quant à lui taillé une place au soleil, avec un positionnement original. En effet, au-delà de son outil de conception de PCB (Printed circuit board) stricto sensu, Altium propose une plate-forme de développement complète de systèmes électroniques, incluant la programmation matérielle et logicielle de FPGA suivie de leur intégration sur une carte. Une solution qui élargit le strict domaine de la CAO de PCB et permet à de jeunes sociétés de gérer un programme de développement (FPGA + carte) avec une seule plate-forme. Aujourd'hui, selon les analystes, Altium détient sur ce secteur entre 5 et 10 % de parts de marché. Derrière ces sociétés phares dans le PCB, on trouve une liste d'une dizaine de firmes, plus ou moins actives, qui ne vont jamais au-delà de 1 % de parts de marché. Et puis, il ne faut pas oublier non plus les très nombreuses solutions « gratuites », téléchargeables sur Internet, comme par exemple l'outil FreePCB. Utiles pour démarrer des maquettes, des petits projets ou pour se former, ces logiciels sont cependant incapables de relever les défis des cartes industrielles complexes d'aujourd'hui. Du côté des outils présents sur le marché, une classification en trois grandes catégories s'impose. La première d'entre elles couvre les logiciels d'entrée de gamme capables de traiter un grand nombre de cartes électroniques, mais qui sont limités techniquement dès qu'il y a par exemple intégration de boîtiers de haute densité ou bien lorsqu'il faut gérer un nombre élevé de paires différentielles, avec les problèmes de routages et d'intégrité de signaux qui en découlent. Citons, par exemple, le logiciel Eagle de la société allemande CadSoft, très répandu sur le marché, ou bien l'outil Proteus de la société anglaise Labcenter Electronics. On peut aussi rattacher à cette catégorie les outils d'entrée de gamme de Mentor et Cadence, respectivement Pads et Orcad. Bien que bénéficiant des retombées des avancées technologiques des produits haut de gamme des deux sociétés, ces outils restent confinés à la conception de cartes de complexité moyenne. Leurs prix de licence varient ente 1 000 et 3 000 euros. Dans la seconde catégorie, on trouve des logiciels de moyenne gamme aptes à traiter la plupart des circuits imprimés, y compris les plus complexes. Ces solutions, plutôt orientées monoposte, sont utilisées soit ponctuellement (un projet tous les deux ou trois mois), soit de manière intensive, par exemple par des sociétés de sous-traitance en électronique. C'est le c&oelig;ur du marché, là où la concurrence est la plus vive. On y trouve essentiellement quatre produits ou gamme de produits : Expedition de Mentor, Allegro de Cadence, Cadstar de Zuken et Altium Designer d'Altium. Leurs prix de licence varient de 4 000 à 10 000 euros. Avec une différence notoire de stratégie entre Expedition et Allegro d'un côté, qui sont proposés selon une offre modulaire avec de très nombreuses options (donc des prix de licences très « élastiques »), et Cadstar et Altium Designer, de l'autre, qui procurent une offre globale et complète, avec peu d'options. Au-delà, on trouve des solutions haut de gamme destinées à des projets d'entreprise avec travail collaboratif, gestion avancée des bases de données et conception d'un nombre élevé de cartes complexes. Il en existe trois sur le marché : Expedition Enterprise de Mentor, la version haut de gamme GXL d'Allegro et le système CR-5000 de Zuken. Leurs prix de licence, qui incluent une part importante de services, vont de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de milliers d'euros. Elever d'un niveau d'abstraction la conception Mais la tendance émergente la plus marquée de ces deux dernières années est liée à la volonté des éditeurs de fournir aux concepteurs des outils et des technologies qui élèvent le niveau d'abstraction du travail de conception. Il s'agit ici de faire face à la complexité croissante des cartes qui oblige à manipuler des masses de données importantes, difficiles à maîtriser, même avec une grande expérience. Concernant le développement d'un projet, Cadence propose par exemple avec Allegro System Architect une interface de travail originale qui se présente sous la forme d'une interface de type tableur, dotée de plusieurs feuilles de style à partir desquelles le concepteur peut travailler à différents niveaux (programme en Verilog, schématique, liste de composants, gestionnaire de contraintes…). Avec cette interface, on peut utiliser des fichiers tabulaires croisés et créer des données d'interconnexions sans passer par la schématique. Une approche qui permet de gérer la complexité inhérente à la connexion des broches d'E/S et de FPGA complexes. Côté routage, la société vient récemment d'introduire une technologie novatrice de préplacement des inter-connexions associée à un routeur capable de prendre en compte les intentions du concepteur. Ici, la mise en place d'un niveau d'abstraction élevé permet d'explorer visuellement l'espace d'interconnexions de la carte sans avoir à manipuler de lourds fichiers de données. Mentor, quant à lui, propose une technologie de routage originale, qui consiste à réaliser un placement topologique des bus par le concepteur, avant le routage proprement dit. Lors de cette étape, le concepteur définit la structure du bus, ses interconnexions et lui impose diverses contraintes physiques ou électriques de manière à optimiser le travail de routage automatique. Une manière de prendre en compte la complexité des bus série, parallèles ou des nappes de paires différentielles à un haut niveau d'abstraction, en amont de la conception. Quant à Altium, la société vient d'annoncer dans la version 6.8 de sa plate-forme Altium Designer, au niveau de la schématique, la mise en &oelig;uvre des objets « harnais de signaux », qui regroupent les connexions logiques de plusieurs signaux au sein d'un bloc fonctionnel unique. Une notion similaire est fournie par Zuken avec une méthode de traitement collective d'un ensemble de pistes en les considérant comme un objet, au sens informatique du terme. La société japonaise, très implantée dans les sociétés qui conçoivent des appareils électroniques grand public, va en outre intensifier son offre dans les outils au niveau système, nécessaire selon elle pour répondre à la vitesse à laquelle sortent les nouveaux produits. Dans cette optique, Zuken va notamment introduire dans le courant de cette année un outil de placement innovant, capable de prendre en compte de manière concurrente, et non sérielle, la position des composants sur la carte avec une analyse des capacités de découplage, des drains thermiques, etc. Reste à convaincre les utilisateurs, qui évoluent dans un milieu traditionnellement conservateur, de modifier leurs habitudes de travail pour tirer parti de ces évolutions qui amènent à concevoir à un niveau d'abstraction plus élevé que par le passé. (*) Orcad par Cadence ; Veribest puis Innoveda, qui lui-même avait acquis Pads, par Mentor ; Protel, devenu le groupe Altium, qui avait intégré le logiciel P-Cad.

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