Couverture ElectroniqueS n°127

Qualcomm, NXP, Texas Instruments ou encore Ambarella ont profité du salon de Las Vegas pour lancer de nouvelles familles de processeurs taillés pour les véhicules à conduite assistée. C omme c'est le cas depuis plusieurs éditions, l'automobile a été l'un des principaux pôles d'attraction du récent Consumer Electro-nics Show qui s'est tenu à Las Vegas en janvier. L'électronique se trouve en effet au cœur des trois tendances qui transforment actuellement les véhicules, à savoir la conduite assistée, la communication du véhicule avec son environnement et la gestion des flux multimédias dans l'habitacle. Tout ceci nécessite des processeurs à la fois puissants, robustes et évolutifs, dans un marché dont la stabilité attire tous les grands fournisseurs de semi-conducteurs. Plus connu pour ses solutions destinées aux smartphones, Qualcomm a ainsi profité du CES pour présenter la plateforme Snapdra-gon Ride qui comprend des processeurs, des accélérateurs et des piles de protocoles optimisées pour la conduite automobile assistée. Il s'agit d'une solution échelonnable sur trois segments de marché : les véhicules à sécurité active L1/L2 incluant le freinage automatique d'urgence, la reconnaissance de signalisation et le maintien sur la file de circulation ; les automobiles L2 + équipées en sus d'une gestion autonome du stationnement et de la conduite assistée sur autoroute et dans les embouteillages urbains ; les systèmes L4/ L5 entièrement autonomes de conduite urbaine, de robotaxi et de livraison. Reprenant les architectures Snapdragon déjà déployées dans les smartphones, la plateforme Snapdragon Ride sera déclinée sur des puissances de calcul allant de 30 à 700 Tops. Il est vrai que Qualcomm possède déjà, dans cette famille de processeurs, un savoir-faire avéré en cœurs Risc, moteurs graphiques pour le rendu visuel, accélérateurs pour les algorithmes d'intelligence artificielle, cœurs de traitement d'images et de vidéos et moteurs de cryptage de données. Il lui manquait essentiellement – et ce n'est pas une mince affaire – la partie logicielle. L'américain s'y est attelé, mettant en œuvre une pile logicielle baptisée Snapdragon Ride Autonomous Stack, qui couvre un large panel d'utilisations (par exemple la conduite autonome sur autoroute) avec des fonctions modulaires qu'il est possible d'exploiter en parallèle d'algorithmes propriétaires. Des cartes de pré-développement seront disponibles au premier semestre 2020, avec un déploiement commercial prévu en 2023. Rappelons que Qualcomm n'est pas totalement étranger au monde de l'automobile, puisqu'il commercialise déjà de nombreuses solutions d'infodivertissement et, surtout, de connexion sans fil. L'américain échantillonne par exemple le QCA6595AU, une puce combinant un frontal Bluetooth 5.1 et un étage d'émission-réception Wi-Fi 5 à double MAC. La partie Wi-Fi délivre jusqu'à 1 Gbit/s, avec une structure MIMO 2 x 2 dans la bande des 5 GHz et 1 x 1 dans la bande des 2,4 GHz. Elle peut desservir jusqu'à 32 appareils clients avec des protocoles de sécurité WPA3 améliorés. CURT MOORE, responsable des processeurs automobiles chez Texas Instruments “ Contrairement à bon nombre de nos concurrents qui tentent d'adapter des circuits existants aux contraintes automobiles, ces dernières guident dès le départ nos choix de conception concernant notre famille de processeurs Jacinto." Concilier puissance et faible consommation Dans le cadre du CES de Las Vegas, Texas Instruments, lui, a annoncé l'échantillonnage des premiers processeurs auto-mobiles Jacinto 7, les TDA4VM (conduite assistée) et DRA829V (passerelle multimédia), fabriqués en technologie FinFET 16 nm. La démarche est ici diamétralement opposée à celle de Qualcomm : « On ne peut pas partir d'un circuit lambda et ajouter la fiabilité à la fin, il faut penser un circuit automobile dès le début de la conception », estime Curt Moore, responsable de cette famille de processeurs chez TI. Tous les Jacinto 7 incluent des accélérateurs matériels spécialisés ainsi que deux cœurs CortexR5F dans un sous-ensemble de sécurité fonctionnelle isolé prenant en charge les tâches critiques ASIL D. Leur consommation s'étend de 5 W à 20 W, évitant donc le recours à un système de refroidissement. Les TDA4VM peuvent gérer simultanément jusqu'à six caméras à trois millions de pixels et d'autres fonctions de capture (radar, Lidar, ultrasons, etc.). Ils s'appuient sur une batterie de processeurs incluant deux Cortex-A72 cadencés à 1,8 GHz (susceptibles de faire tourner des systèmes d'exploitation différents), quatre Cortex-R5F, un DSP C7x inédit délivrant 80 Gflops, un accélérateur de multiplication de matrices à 8 Tops (en mode 8 bits) pour les algorithmes d'intelligence artificielle, deux DSP C66x à 1,35 GHz et un moteur graphique 3D PowerVR Rogue 8XE GE8430 traitant 6 Gpixel/s. Selon les cas, ces processeurs orientés ADAS pourront gérer un seul ou plusieurs contextes, par exemple la conduite et le parking : « Cela dépend essentiellement des desiderata du client, qui peut chercher à concentrer l'électro-nique de traitement du signal ou bien trouver plus simple, notamment d'un point de vue logiciel, de dédier différentes fonctions à différents circuits », explique Curt Moore. Chargés de la transmission de données à travers le véhicule, les DRA829V embarquent, eux, un commutateur PCIe (qui permet d'accélérer la communication entre processeurs, une première sur ce type de circuits) en plus d'un commutateur à huit ports Gigabit Ethernet compatible TSN. Ils sont motorisés par deux cœurs Cortex-A72 tournant jusqu'à 2 GHz pour les applications gourmandes en puissance de calcul et quatre Cortex-R5F à 1 GHz pour le traitement en temps réel. La production en volume de ces processeurs est prévue pour le second semestre 2020. Pour l'heure, les TDA4VM et DRA8329V sont vendus 97 $ pièce par quantités de 1 000. La gamme Jacinto 7 sera par la suite étendue tant vers le très haut de gamme qu'à destination de véhicules plus modestes. Autre acteur historique de l'électronique automobile, NXP Semiconductors a présenté à Las Vegas les S32G, sa dernière famille de processeurs pour réseaux automobiles. Ces processeurs embarquent à la fois quatre cœurs Cortex-A53 puissants, pour faire tourner les applications les plus exigeantes, et trois cœurs CortexM7, dédiés, eux, à la sécurité des échanges de données selon les protocoles ASIL D. À noter que les Cortex-A53 sont répartis en deux groupes de deux cœurs, susceptibles de fonctionner en mode lockstep . Actuellement en cours d'échantillonnage, les S32G disposent de ports haut débit CAN FD, FlexRay, USB, LIN, Gigabit Ethernet et PCIe 3.0. Figurent également sur la puce des accélérateurs réseaux (transmission de paquets de données Ethernet, moteur de communication automobile à faible latence) et des blocs de cryptage de données permettant par exemple la mise à jour sans contact ou OTA ( over-the-air ) et l'envoi de données sur le cloud . Les S32G sont conformes à la norme AEC-Q100 grade 2 et supportent des températures comprises entre - 40 °C et + 105 °C. Ils peuvent être facilement associés aux tout nouveaux commutateurs Ethernet SJA1110 (qui embarquent des fonctions de sécurisation des données) et aux circuits de gestion d'alimentation VR5510 du néerlandais. Pour l'heure, NXP échantillonne le S32G274A, premier membre de la famille S32G ; trois autres suivront rapidement. À noter enfin que l'élément sécurisé (cryptage, gestion de clés) SXF1800 de NXP vient d'obtenir la certification EAL4 +, un prérequis pour la sécurisation des communications automobiles V2X au niveau européen. < À l'instar des S32G de NXP, les processeurs automobiles récents combinent des cœurs Cortex-A pour les applications les plus gourmandes et des Cortex-M ou Cortex-R pour la certification ASIL et les tâches en temps réel. Ambarella s'attaque aux caméras automobiles Plus modeste que les trois fabricants précédents, Amba-rella s'est toutefois fait un nom avec ses processeurs vidéo commercialisés d'abord auprès des diffuseurs, puis des fournisseurs de caméras de vidéosurveillance, et enfin, depuis peu, des constructeurs et OEM automobiles. Au CES de Las Vegas, Ambarella présentait les CV22FS et CV2FS, deux processeurs convenant aux caméras avant en vision mono – et même stéréo pour le CV2FS qui dispose d'un bloc de traitement adéquat – pour des définitions de 8 millions de pixels et au-delà. Ces puces fabriquées dans un process FinFET 10 nm par Samsung comportent quatre cœurs Cortex-A53 à 1 GHz ainsi que deux CortexR52 constituant un îlot sécurisé chargé des fonctions ASIL C. Ces cœurs sont encadrés par des moteurs d'accélération pour le traitement des images (conversion de format, rejet du scintillement d'éclairage à Led, traitement à dynamique élevée HDR, correction de distorsion d'optique, encodage AVC, etc.), avec une pipeline traitant 480 Mpixel/s. Ils sont épaulés par CVflow, le moteur maison de traitement IA et ses interfaces dédiées (SLVS, MIPI CSI-2 et LVCMOS pour les imageurs, CAN FD, Gigabit Ethernet, USB 2.0 et MIPI DSI/CSI-2 pour les sorties numériques). Les CV22FS et CV2FS entrent en conformité avec la norme AECQ100 grade 2, avec une température de fonctionnement étendue de - 40 °C à + 125 °C. Leur consommation s'avère respectivement inférieure à 3 W et 4 W, ce qui n'est pas le moindre de leurs atouts. Ils seront disponibles sous forme d'échantillons au premier semestre 2020.

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