Couverture ElectroniqueS n°127

Dans un contexte de marché difficile, les sous-traitants de l'Hexagone réorganisent leurs entreprises de façon à minimiser leurs frais dans tous les postes possibles. Les plus en ligne de mire sont les achats de composants et l'externalisation de la production. Les productions en grandes séries ayant, pour nombre d'entre elles et bien que des relocalisations se fassent jour, migré vers les pays à faible coût de main-d'&oelig;uvre, les sous-traitants de l'Hexagone se sont tous retrouvés à batailler sur le marché des petites et moyennes séries à forte valeur ajoutée. Pour gagner des commandes dans un contexte devenu fortement concurrentiel, les entreprises du secteur s'acharnent à réduire leurs frais. Grands ou petits, tous sont aujourd'hui concernés par ce problème. Ils réfléchissent ainsi à l'amélioration des achats, à l'optimisation de l'organisation de la production, ainsi qu'à des externalisations de fabrication quand le pourcentage de travail manuel le justifie. Le problème est crucial pour plusieurs filiales françaises des ténors mondiaux de la sous-traitance puisque, dans de nombreux cas, les contrats passés avec les clients qui sont les ex-propriétaires des usines que ces grands de la sous-traitance ont rachetées expirent en 2005 ou 2006 : mi-2005 pour les sites Jabil de Brest et de Meung-sur-Loire ainsi que pour celui de Sanmina-SCI à l'Isle-d'Abeau ; 2006 pour Celestica Saumur et Sanmina-SCI Cherbourg. Flextronics vient, quant à lui, d'annoncer la suppression à Laval de 150 emplois sur 620 suite à une baisse de l'activité téléphonie mobile pour le compte d'Alcatel. Inéluctable délocalisation ? Pour les sous-traitants, il est devenu aujourd'hui courant d'offrir un éventail complet de services incluant une production basée dans les pays à faible coût de main-d'&oelig;uvre pour les grandes séries de pièces (dont la fabrication nécessite un pourcentage élevé d'opérations manuelles). Solectron France sert ainsi, pour les grandes séries, de point d'entrée au réseau du groupe (le site travaille notamment avec son homologue bulgare). Pour les grands volumes, Lacroix Electronique s'appuie sur une unité d'assemblage polonaise. Avec cette usine, le sous-traitant propose un service global allant de la présérie à la grande série. Dans la pratique, le transfert de production en Pologne dépend du process, notamment de la part de main-d'&oelig;uvre requise par ce dernier, du volume de pièces à fabriquer, et de la continuité des commandes du client (une commande ponctuelle sera plutôt réalisée en France). A2E Technologies travaille, pour sa part, en liaison avec une entreprise tunisienne. Toutefois, dernièrement, A2E Technologies a choisi de sous-traiter à une société française une fabrication qui avait “ le profil Tunisie ”. Quant à Cofidur, qui cherche aujourd'hui à se spécialiser, il s'appuie, lui aussi, sur une unité tunisienne. Sorec a, pour sa part, adopté une stratégie de production mixte associant à ses productions propres des sous-traitants de second niveau basés en Afrique du Nord et travaillant en panier garni, pour des assemblages de cartes ou d'équipements incluant une proportion suffisante de traversants. Dans la pratique, l'entreprise procède par appel d'offres pour les nouvelles productions qu'elle désire confier à la sous-traitance de ces pays. « Les contrats signés pour ces produits, qui sont des produits stabilisés, sont des contrats pluriannuels qui permettent aux deux parties d'instaurer une relation dans la durée », indique Michel Walter, président de Sorec. Face à ces externalisations de production, un mouvement de relocalisation semble pourtant se dessiner. « Si un produit contient des cartes CMS dont la production est intégralement automatisable, il peut être fabriqué par des sous-traitants de l'Hexagone », rappelle Eric Burnotte (CMS France). Ce spécialiste affiche une réticence face aux délocalisations : « Les coûts de transport sont élevés, et même si la main-d'&oelig;uvre est de 2 à 5 fois moins chère, le gain réel ne dépasse pas, dans bien des cas, les 2 % à 4 % », estime-t-il. L'avenir semble aussi plaider pour une relocalisation partielle puisque les composants sur cartes seront de plus en plus denses et nécessiteront de moins en moins d'opérations manuelles. Gilles Benhamou considère, pour sa part, que, dans le cas de grandes séries automatisables et destinées à un marché européen, le recours à la délocalisation est inadéquat compte tenu des délais sur les approvisionnements, des coûts de transport, etc. « Pourquoi aller fabriquer ailleurs qu'en Europe des téléphones portables destinés au marché européen ? », questionne-t-il. Le p-dg d'Asteel a d'ailleurs la ferme conviction que “ la relocalisation de proximité ” est en cours. D'autant que, selon lui, les Asiatiques feraient aujourd'hui moins de ristournes à leurs clients. Et que, en outre, les prix des matières premières en Asie, jusqu'alors de 30 % à 40 % inférieurs à ceux de l'Europe, remontent depuis quelque trois mois. Vendre au vrai prix « On a décidé de vendre au vrai prix : une pièce qui vaut 500 euros doit être payée 500 euros », nous a déclaré Pascal Sivade, dirigeant de Tech 39, une entreprise de production d'inductances et de transformateurs qui, après un redressement judiciaire, a su reprendre du service. Tech 39 s'est en effet aperçue que ses anciennes pratiques commerciales pénalisaient les grands clients, qui payaient les ristournes faites aux petits clients. En outre, la société a modifié l'organisation de sa production de façon à minimiser son encours en production : il est aujourd'hui égal à deux jours. Enfin, Tech 39 travaille maintenant en coopération avec une usine roumaine. Solectron Bordeaux, adepte du “ Lean Six Sigma ” Depuis le changement d'encadrement de Solectron en 2003 et la venue de Marc Onetto, directeur mondial des opérations, le sous-traitant Solectron a mis en place dans toutes ses usines, le programme “ Lean Six Sigma ”, dérivé d'un concept appliqué par le Japonais Toyota, programme qui vise à augmenter la valeur ajoutée qui peut être apportée au client. « Lean Six Sigma concerne tous les postes, des achats de composants à la fabrication et à la livraison », nous a précisé Patrick Le Port, directeur général de Solectron France. Il y aurait, selon lui, des possibilités d'amélioration sur 95 % des sources de coûts ! Le concept est simple : il faut éviter toutes les dépenses inutiles. La démarche est, elle, laborieuse et requiert de la constance : Toyota y travaille, pour sa part, depuis 36 ans… Dans la pratique, des personnes se réunissent pour travailler, 4 jours durant, à la résolution d'un problème. Plusieurs chantiers sont menés en parallèle et, chaque semaine, Solectron Bordeaux organise une réunion de mise au point pour l'ensemble des chantiers en cours. En outre, des consultants japonais, qui assistent également Toyota dans sa démarche, viennent régulièrement faire le point et donner des recommandations aux employés du site. La mise en place de “ Lean Six Sigma ” a déjà permis des améliorations en production (réorganisation d'opérations avec standardisation, gain de place, diminution de l'encours en fabrication, diminution des interventions manuelles et donc amélioration de la qualité…). « L'utilisation de ces techniques permet de lutter contre la délocalisation en demeurant compétitif alors que le coût de la maind'&oelig;uvre en France est élevé », insiste Patrick Le Port.

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