Couverture ElectroniqueS n°127

Gérer efficacement l'obsolescence des composants suppose d'abord d'être averti à temps de leur « fin de vie ». En comparant la valeur du coût de requalification à celle du coût de stockage, le fabricant d'équipements pourra alors définir une stratégie économiquement gagnante. Le passage au sans-plomb a été, l'an passé, l'occasion d'une mise en vedette de la gestion de l'obsolescence, une problématique qui, de toute manière, gagne en écoute et se peaufine au fur et à mesure que la durée de vie des composants électroniques diminue. « Certains équipementiers demandent un maintien en condition opérationnelle de leurs matériels pendant quinze à trente ans alors que la durée de vie moyenne d'un composant est de l'ordre de quatre ans », pointe ainsi Jean-Louis Thizy, p-dg d'Icra, un sous-traitant lyonnais spécialisé dans les environnements sévères. De fait, avec l'orientation du marché hexagonal vers de petites séries à forte valeur ajoutée, le sous-traitant se trouve souvent aux avant-postes du « chantier » de la gestion de l'obsolescence qui concerne, au premier chef, des matériels stratégiques (équipements de centrale nucléaire, aéronautiques, militaires, sécuritaires, mais aussi de production industrielle, de diffusion de l'information…). Le sous-traitant s'y trouve notamment confronté quand il est amené à garantir à un client équipementier une durée de fourniture du matériel… ce qui suppose, en principe, un stockage de composants en cas d'obsolescence. « La fin de vie d'un composant crée un stress tout au long de la supply chain, stress qui atteint son apogée chez l'équipementier », constate Michel Tohier, directeur des achats d'Asteel. « L'un des rôles du sous-traitant est ainsi de présenter au donneur d'ordre un dossier qui soit le plus complet et le plus argumenté possible, afin que l'équipementier-client puisse prendre une décision avec le maximum d'objectivité et de confort », ajoute-t-il. Ce qui suppose une transparence totale entre les partenaires : « Si une “ end of life ” de composants n'a été découverte que huit mois après sa publication, eh bien, il faut le dire au client », insiste M. Tohier. « Etant de moins en moins des spécialistes , les clients ont de plus en plus tendance à confier la totalité de la gestion de l'obsolescence au sous-traitant », remarque aussi Jean Bastid, directeur de la qualité de Tronico. Dans le cadre de la gestion de l'obsolescence, le sous-traitant cherche en premier lieu à valider l'information qu'il reçoit. « Il arrive que le distributeur nous délivre une information que le donneur d'ordre infirme », remarque par exemple Pascal Leleu, directeur général délégué au développement industriel de Fapronic et Sorec. Le distributeur n'est pas le seul en cause : « Le fabricant de composants peut, à tout moment et sans prévenir, décider d'arrêter la production d'un composant qui, par exemple, ne rencontre pas le succès escompté », rappelle Dominique Chanteau, responsable des achats chez Lacroix Electronique. « In fine, il y a beaucoup d'aléas dans l'information : un client peut très bien commander des composants pour lesquels un “ last buy order ” est intervenu six mois auparavant », nous confie, à son tour, Denis Maron, directeur du département Services et Pérennisation d'Actia, sous-traitant et société de services spécialisée dans la gestion de l'obsolescence des composants. Dans la pratique, toutefois, nombre de petits sous-traitants se contentent des informations que fournissent les distributeurs – qui eux-mêmes les obtiennent des fabricants de composants. Ces informations concernent les fins de vie de composants (« end of life » ou EOL), les « last buy order » (LBO, dernière possibilité d'achat), et les listes d'équivalences pour substituer d'autres produits aux composants défunts (voir l'encadré « L'offre des distributeurs »). En revanche, les majors de la sous-traitance ont, eux, mis en place une veille technico-économique. Avec, en particulier, une surveillance des coûts de tous les composants (« des hausses pouvant être annonciatrices d'arrêt de production », selon M. Tohier), un contrôle de la disponibilité des pièces auprès des fournisseurs, et une surveillance du montant des investissements dans les différentes technologies… Diminuer les coûts S'il s'avère impossible de trouver un composant équivalent, ou d'en reconcevoir un de manière économique, il faut alors reconcevoir la carte. « Ce qui ne pose pas de problème si on dispose d'un dossier de fabrication et d'une ancienne carte en état de fonctionnement », note M. Maron (Actia). « Il faut parfois refaire le cahier des charges », remarque toutefois M. Bastid (Tronico). « Dans tous les cas, sans documentation, il est possible de cloner des cartes des années 1980 et 1990, mais pas celles des années 2002-2003 à cause de difficulté de génération d'une “ net-list ” pour les couches internes des circuits imprimés multicouches », indique M. Maron. L'afflux de demandes pour la prise en charge de la gestion de l'obsolescence n'est pas sans conséquences. « Actuellement, le défi est de diminuer les prix des prestations », souligne ainsi l'expert d'Actia. « Alors qu'autrefois, les grands comptes représentaient la majorité de la clientèle, aujourd'hui, beaucoup de PME sont concernées par la gestion de l'obsolescence », remarque-t-il. Des solutions pour le stockage de longue durée encore à comparer ! A la publication par un fabricant de composants d'un LBO (« last buy order »), le client qui envisage un stockage de longue durée, entre dix et trente ans, essaie d'abord de négocier une livraison de pièces à la date la plus tardive possible. « Les conditions de conservation sont fonction des clients et des impératifs de la technologie », remarque Christian Berquier, président de PNE, un distributeur spécialiste de la gestion de l'obsolescence. Dans cette société, les composants sont conditionnés en sachets « dry-pack » garantissant un stockage d'une durée de cinq ans. Dans la pratique, les composants sont reconditionnés tous les quatre ans. Le sous-traitant Tronico et Eltek Technologies, une société de services qui vend des puces nues et des wafers et qui réalise l'encapsulation de circuits, stockent, pour leur part, les composants sous azote. EDF et Thales conservent, quant à eux, les composants dans une atmosphère à température et humidité contrôlées. « Il est aujourd'hui difficile de faire des comparaisons entre les différentes solutions de stockage, car nous n'avons pas assez de recul », estime toutefois Denis Maron, directeur du département Services et Pérennisation d'Actia. Le passage au sans-plomb a également introduit une nouvelle inconnue dans le domaine du stockage. « On ne sait pas comment se comporteront les composants sans plomb en cas de stockage (la tenue des broches à l'oxydation, notamment) », souligne M. Berquier. L'offre des distributeurs : PNE, le mieux achalandé ? La plupart des grands distributeurs (Arrow, EBV Elektronik, Silica, Future Electronics, MSC-Gleichmann, Rutronik, le cataloguiste Farnell InOne…) diffusent à leurs clients les informations (notamment EOL, LBO et composants équivalents en cas d'obsolescence) que délivrent les fabricants de composants. Ils réalisent aussi, ou font réaliser par des sociétés de services avec lesquelles ils sont en cheville, des analyses de nomenclatures pour le compte de leurs clients. En revanche, le stockage pour le compte du client n'est pas leur fort. Aucune des filiales des ténors mondiaux ou européens ne pratique le stockage de longue durée. Elles assurent des stockages sous « dry-pack » pour des durées maximales de trois à quatre ans, souvent à titre exceptionnel. Dans l'Hexagone, le distributeur le mieux achalandé dans le domaine de la gestion de l'obsolescence semble être PNE. Il s'appuie sur une plate-forme de stockage, dispose d'accords avec le fabricant américain de composants obsolètes Rochester, et a également une activité de broker et de centrale d'achats pour Thales.

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