Couverture ElectroniqueS n°127

Deux projets d'investissements représentant au total 300 M euros sont en cours d'investigation, l'un pour un renouveau industriel du site caennais et l'autre pour la création d'un campus technologique. Est-il possible de redorer l'image de Caen ? Philips Semiconductors a en tout cas décidé de s'atteler au problème, quelques semaines seulement après l'annonce de la suppression de plus d'une centaine de postes sur son site caennais, qui emploie actuellement 1 250 personnes. « Notre objectif est double car il consiste à la fois à revitaliser le site de Caen d'un point de vue industriel et à augmenter l'attractivité de la région pour les ingénieurs de recherche et développement », annonce Henri-Alain Rault, directeur de Philips Semiconducteurs Caen. De fait, deux projets sont actuellement à des stades “ d'investigation ” plus ou moins avancés. S'ils devaient se concrétiser, ils représenteraient un investissement total de 300 millions d'euros pour le site caennais, investissement qui pourrait bénéficier d'aides publiques à hauteur de 30 % à 40 %. Sur ce montant, deux tiers seraient consacrés à une facette industrielle qui verrait évoluer la vocation du site avec l'introduction d'une ligne pilote dédiée à une nouvelle technologie d'assemblage appelée eSiP, pour Easy System in Package. Quelque 100 millions d'euros seraient consacrés par ailleurs à la création d'un campus technologique à l'image de ce qui existe déjà à Louvain, en Belgique, ou, bientôt, à Southampton, en Grande-Bretagne. « Pour le dossier industriel, nous avons entamé des discussions avec le ministère de l'Industrie, dont le support semble acquis. Pour le campus, par contre, une demande de permis de construire provisoire a déjà été déposée»,précise M. Rault. Côté industriel, la vocation de l'usine de Caen pourrait ainsi évoluer des techniques de fabrication de semiconducteurs vers une activité supplémentaire d'assemblage sophistiquée. La technique eSiP « est complémentaire des systèmes sur une puce. Elle permet d'apporter plus rapidement et plus complètement une solution semiconducteur sous boîtier unique à une application donnée. Notre objectif est d'arriver à des temps de réalisation de deux semaines pour une solution système mono-boîtier. Cette technique utilise le silicium comme un circuit imprimé sur lequel sont reportées les puces principales d'une application après qu'on y eut gravé les composants passifs, avec des valeurs très précises, ainsi que les interconnexions nécessaires. Le tout est ensuite encapsulé comme un circuit intégré. Pour une fonction donnée, cette solution n'occupe environ qu'un dixième de la place nécessaire à une solution conventionnelle. Un “boîtier” complet pour un téléphone Dect, par exemple, comprendrait ainsi deux circuits intégrés et des filtres sous forme de puces reportées, et environ 90 composants passifs intégrés sur le substrat »,détaille M. Rault. Philips Semiconductors a en effet développé et breveté une technologie d'intégration de composants passifs résistances, condensateurs et selfs sur silicium (voir notre numéro du 20 septembre 2002). Cette technologie apparaît aujourd'hui suffisamment affinée pour permettre d'envisager la mise en place d'une filière industrielle.Un campus pour attirer les ingénieurs de R&DLes principaux clients potentiels se trouvent dans les télécoms, notamment pour les applications de téléphonie cellulaire et sans fil, et l'automobile, pour les applications d'électronique embarquée. « Notre technique est moins compliquée et donne des composants plus petits et plus fiables que les solutions actuelles sur substrat alumine. Elle présente en outre un potentiel d'évolution en visant l'intégration d'autres composants, comme les filtres SAW par exemple, directement sur le substrat silicium »,affirme M. Rault. Le principe de l'industrialisation de cette technologie en France, qui plus est avec le soutien des autorités publiques, semble aujourd'hui acquis au sein de Philips Semiconductors. L'investissement de 200 millions d'euros s'étalerait sur cinq ans. Il se diviserait en une première partie de 80 millions d'euros dédiés à l'investissement en machines d'assemblage et de test, qui inclut leur développement. La deuxième partie 120 millions d'euros représenterait les efforts en ressources humaines sur cinq ans depuis la mise au point de la filière et sa montée en puissance jusqu'à la production de volume. « La technologie pourrait être opérationnelle pour des volumes restreints dès l'an prochain avec une montée en puissance en 2005. Au-delà, le site industriel pourrait s'ouvrir à des partenaires »,précise encore M. RaultLe deuxième volet de l'investissement potentiel de Philips à Caen porterait sur un campus technologique. « A choisir entre Sophia-Antipolis, Grenoble ou plutôt Crolles et Caen, qui choisirait Caen ?, demande M. Rault. Nous devons rendre Caen aussi attrayant que possible pour attirer les compétences. Notre idée consiste donc à séparer les deux aspects, l'industriel et la R&D, et à les faire évoluer différemment. » Pour ce faire, un regroupement des équipes de R&D de Philips, soit environ 600 personnes, et de celles d'écoles d'ingénieurs et de l'université est à l'étude, l'objectif consistant à mutualiser les moyens de recherche. Ce campus pourrait ainsi associer l'Ismra (Institut des sciences de la matière et du rayonnement), l'école d'ingénieurs de Caen, et le Lamip (laboratoire d'étude des défaillances des circuits intégrés). Un permis de construire a été déposé pour un ensemble, comportant des bureaux et des laboratoires de recherche, d'une superficie de 16 000 m2. Si le projet est entériné, le site pourrait ouvrir début 2005. « Des négociations sont en cours avec d'autres entreprises. Nous souhaitons travailler avec des partenaires industriels en amont mais maintenir un aspect compétition entre les équipes et garder notre avance dans nos domaines de prédilection », précise M. Rault.

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