Couverture ElectroniqueS n°127

L'utilisation de l'électronique permet de porter assistance à des personnes handicapées, malades ou accidentées ainsi qu'à des séniors ayant besoin de tuteurs pour continuer à être autonomes. Voici quelques réalisations de ce domaine : prothèses améliorées, systèmes d'aide à la marche, robots humanoïdes, dispositifs de suivi du diabète… < Clinatec est à l'origine d'une neuro-prothèse à base d'intelligence artificielle qui permet de commander un exosquelette quatre membres à partir de la détection de signaux émis par le cerveau. L a vocation de la technique est d'améliorer la vie des gens, notamment en les déchargeant de tâches ingrates, répétitives ou ennuyeuses, pour leur permettre de passer davantage de temps à leur développement et, partant, à celui de la planète. Cela concerne au premier chef les populations défavorisées : handicapés, malades, accidentés de la vie, seniors ayant besoin de tuteurs pour demeurer autonomes… Or, les révolutions de la numérisation et des communications, d'une part, et les progrès continus de la miniaturisation, d'autre part, ont permis et permettent des développements spectaculaires dans le domaine de l'aide aux personnes en perte de performances. Ainsi, de nouveaux traitements et systèmes de « réparation » et soutien des paralysés et des amputés voient le jour. Dans le cadre d'un programme financé par la Darpa, Intel et l'université de Brown (Providence, État de Rhode Island, États-Unis) étudient une interface intelligente destinée à recréer une liaison fonctionnelle en cas de rupture de la moelle épinière, un accident qui se traduit fréquemment par une paralysie des membres. Dans la pratique, le projet consiste en l'implantation d'électrodes reliées aux terminaisons nerveuses de part et d'autre de la liaison rompue et en l'installation d'une interface électronique en charge de rétablir ladite liaison. Dans un premier temps, les réseaux de neurones artificiels de l'interface apprendront à interpréter les signaux amont. Ce projet pourrait être finalisé en 2021. En France, le laboratoire Clinatec, qui associe des chercheurs du CEA et des médecins du CHU de Grenoble, est pour sa part à l'origine d'une neuroprothèse à base d'intelligence artificielle qui permet de commander un exosquelette quatre membres à partir de la détection de signaux émis par le cerveau. Les résultats des essais cliniques menés sur un patient de 28 ans, tétraplégique à la suite d'une lésion de la moelle épinière, ont été publiés dans la revue The Lancet Neuro-logy . Clinatec a innové de plusieurs façons : en repérant les signaux cérébraux correspondant à des intentions de mouvement et en transmettant ces données via sans-fil à un ensemble de décodage-traitement apte à générer des informations de commande de l'exosquelette. L'ensemble inclut un dispositif implantable (Wimagine) de « récolte » des signaux du cerveau au niveau de la dure-mère, des cartes pour la mise en forme, la numérisation et la transmission sans-fil des signaux, et un ensemble de décodage à base d'intelligence artificielle permettant la génération des signaux de commande de l'exosquelette quatre membres. Le volontaire, pour qui les tests ont démarré en juin 2017, peut actuellement enchaîner des pas et mouvoir ses deux membres supérieurs. Le projet en question a été baptisé Brain Computer Interface . Dans un même esprit, Intel et l'entreprise brésilienne Hoobox Robo-tics ont coopéré à la mise au point d'un fauteuil roulant commandé à partir des expressions faciales de son utilisateur. Exemple : un sourire peut commander un virage à droite. Baptisé Wheelie, ce dispositif repose sur une caméra – qui capte les expressions faciales – et sur un logiciel à base d'IA. Des prothèses intelligentes et sensibles Les amputés peuvent, eux aussi, compter sur l'électronique, à l'origine de prothèses de plus en plus intelligentes et sensibles. En particulier, certains prototypes récemment conçus autorisent un ressenti égal à celui de la main ou du pied réel. Une équipe travaillant sous la houlette de l'École polytechnique fédérale (ETH) de Zurich et de la start-up helvète SensArs a ainsi réalisé une interface connectant des capteurs disposés sur une prothèse de jambe et les nerfs de la cuisse de l'amputé, permettant à ce dernier un ressenti du sol sur lequel il évolue. Pour ce, des algorithmes traduisent les informations en provenance des capteurs – tactiles et de mouvement – en impulsions électriques qui sont transmises aux nerfs de la cuisse. Les essais portant sur deux personnes invalides ont montré une amélioration de la marche ainsi qu'une moindre dépense énergétique au niveau musculaire et au niveau de la concentration. L'École polytechnique fédérale de Zurich et la start-up SensArs ont concocté une interface entre des capteurs placés sur une prothèse de jambe et les nerfs de la cuisse de l'amputé. Elle permet un ressenti du sol sur lequel la personne évolue. Les atteintes de la moelle épinière tout comme certaines maladies – telles la dystrophie musculaire ou la sclérose latérale amyotrophique – peuvent entraîner une perte, partielle ou totale, des capacités motrices de la main, soit une incapacité plus ou moins prononcée à saisir les objets. Pour remédier à ce problème, des chercheurs de l'institut Wyss d'Harvard ont conçu, réalisé et testé un gant robotisé. Ce gant est fabriqué à partir de Kevlar et de silicone – d'où sa résistance et sa flexibilité – et à partir d'actuateurs étudiés pour redonner une sensation naturelle au porteur. Dans le cadre du projet européen DeTop, le Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM) et dix partenaires de celui-ci ont, quant à eux, conçu une prothèse de main qui dispose du sens du toucher et peut réaliser des mouvements sophistiqués. Cette prothèse de main est greffée à l'os via deux implants en titane qui servent aussi d'interfaces de communication entre la prothèse et les nerfs – pour la réception des signaux d'activation et pour la remontée des informations tactiles. Les travaux visant à doter les prothèses et les robots du sens du toucher connaissent un engouement certain. Ainsi, la National University of Singapore (NUS) a mis au point une peau artificielle dotée du même sens du toucher que la peau humaine. Baptisée ACES ( Asyn-chronous Coded Electronic Skin ), cette peau serait à la fois plus sen-sible et moins fragile que les peaux artificielles proposées jusqu'alors. Enfin, signalons les travaux de la jeune entreprise brestoise Imascap – qui fait partie du groupe américain Wright Medical –, sur les prothèses de genoux « personnalisées et connectées », travaux menés en liaison avec le CHRU de Brest dans le cadre du projet FollowKnee. Ces prothèses permettront de recueillir des données pour prévenir d'éventuelles complications post-opéra-toires. Rééduquer la marche Nombre de maladies neurodégéné-ratives – comme, par exemple, la maladie de Parkinson – entraînent des difficultés locomotrices. D'où les recherches visant à résoudre ce problème. Ainsi, des étudiants de l'uni-versité Rice (Houston, Texas) ont créé une application sur smartphone qui aide les personnes atteintes de Parkinson à marcher. Cette application de réalité augmentée génère des repères visuels ainsi que des séquences sonores incitant la personne à marcher. Partant d'un même constat – à savoir que des séquences sonores répétitives aident le Parkinsonien à vaincre son blocage –, la start-up Resilient Innovation a mis au point et commercialise le Walk, un baladeur qui délivre des stimuli à une fréquence calculée pour permettre aux personnes présentant des difficultés locomotrices de retrouver une marche normale. Les séquences sonores en question agissent de la même façon que le « une-deux » claironné par le sergent pour faire marcher la troupe au pas… Dans la pratique, le Walk regroupe une carte électronique (incluse dans un boîtier), des écouteurs à conduction osseuse et un logiciel de traitement. Pour cette innovation, Resilient a remporté l'Electron d'Or 2018 de la catégorie Santé. Intervenant à un niveau plus central, la start-up américaine Ni2o (pour Neuron input to output ) expérimente, en France, un implant cérébral piloté par intelligence artificielle, le Kiwi, destiné à traiter certaines maladies neurologiques et neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer, dépression, TOC, etc.). De la taille d'un grain de riz, pesant 2 grammes, le Kiwi est implantable par voie nasale… ce qui constitue un progrès par rapport à l'insertion d'implant via craniotomie (deux heures d'intervention contre quatorze pour la craniotomie). Une fois en place, le Kiwi communique avec les neurones environnants : il récolte des informations en provenance de ceux-ci et y répond en émettant des signaux réparateurs. L'ensemble utilise une application sur smartphone et un traitement dans le cloud : les données sont transmises de l'implant au smart-phone puis du smartphone au cloud. Les tests précliniques réalisés à l'institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM) portent actuellement sur des animaux. D'une manière générale, plus une maladie neuro-dégénérative est détectée tôt, plus efficace est son traitement. Pour le dépistage précoce de telles mala-dies, l'Imec belge a mis au point des lunettes sans fil opérant à partir du suivi des mouvements des yeux de leur porteur. Dans la pratique, l'électronique est embarquée dans une des branches des lunettes, et la batterie, dans l'autre branche. La transmission sans-fil est de type Bluetooth. Accompagner les personnes âgées et l'autisme < Dans le cadre du projet européen DeTop, le Centre suisse d'électronique et de microtechnique étudie une prothèse de main dotée du sens du toucher et apte à réaliser des mouvements sophistiqués. Jordan Miron (à droite), fondateur et président directeur général de Resilient Innovation, a reçu des mains de Jacques Marouani, journaliste à ElectroniqueS, le prix des Electrons d'Or 2018 dans la catégorie Santé. Alors que la population mondiale vieillit, les personnes âgées bénéficient de plus en plus de nouvelles aides permises par l'évolution technique. Asus Life, filiale d'Asustek dédiée au médical, expérimente ainsi dans les hôpitaux de Taipei (Taïwan) des systèmes d'aide aux personnes âgées perturbées (pertes de mémoires, etc.). L'offre d'Asus Life inclut notamment Omnicare, une plateforme de collecte des données issues de dispositifs wearables (portables sur soi) en vue du traitement ultérieur de ces informations par des organismes de santé ou de recherche, et le robot AINurse pour l'aide aux soins. Les dispositifs de localisation des personnes et les dispositifs anti-chutes intéressent également au premier chef les seniors. Certaines entreprises ont choisi d'intégrer de tels dispositifs dans des chaussures : c'est le cas de la start-up française E-vone, une émanation de Parade (elle-même filiale d'Eram). La chaussure connectée Parade alerte les aidants en cas de chute du porteur et les conduit sur le lieu de l'accident. La demande de confort grandit aussi avec l'âge. Pour y répondre, Sony a conçu un climatiseur portatif connecté. Le Reon Pocket est un dispositif compact (54 x 20 x 116 mm), léger (85 g) et silencieux qui se glisse dans une poche de T-shirt. Il est caractérisé par une autonomie de fonctionnement de 90 minutes, la batterie étant rechargeable en 2 heures via connexion USB. Il opère en liaison avec une application sur smart-phone. Utilisant l'effet Peltier, le Reon Pocket sera commercialisé cette année, avant les Jeux Olympiques de Tokyo. CREATIVE EURECOM, LA PME QUI RÉVOLUTIONNE LA MÉDECINE L'EOL est une véritable mini-usine de fabrication de médicaments à domicile. > Creative Eurecom est une PME angevine qui se distingue par sa capacité d'innovation. L'an passé, elle a reçu l'Electron d'Or de la catégorie Santé et le prix Global Industrie Awards de la catégorie Réalisation Exemplaire pour l'EOL, un matériel de production de médicaments à domicile, mis au point en liaison avec l'entreprise Alaxia. Cette machine a vu le jour dans le cadre d'un programme visant la mise à disposition des patients atteints de mucoviscidose d'un traitement de nouvelle génération, efficace contre les infections respiratoires les plus sévères, y compris celles qui résistent aux antibiotiques. Alaxia est à l'origine du candidat-médicament ALX-009 qui est destiné à traiter les infections pulmonaires résistantes des patients atteints de mucoviscidose. La difficulté de son utilisation vient de l'instabilité d'un des constituants qui empêche sa fabrication en usine et oblige à une synthétisation sur place, juste avant son administration au patient. D'où la mise au point d'EOL par Creative. Dans la pratique, la fabrication de la solution médicamenteuse à inhaler ne requiert que 15 minutes et est entièrement automatisée. L'EOL inaugure une nouvelle médecine puisque la production de médicament à domicile pourrait être étendue à d'autres maladies. > Creative Eurecom est aussi à l'origine du S3, un système d'hémodialyse à domicile, lui aussi révolutionnaire. Fabriqué et commercialisé par Physidia, société sœur de Creative Eurecom, le S3 améliore grandement le traitement des dialysés puisqu'il permet une hémodialyse quotidienne de seulement 2 heures et à domicile – contre trois séances hebdomadaires de 4 heures chacune en établissement de santé à partir de la solution traditionnelle. L'aide au dépistage de l'autisme et l'aide aux autistes constituent un autre thème de prédilection pour les concepteurs de dispositifs électroniques. Des chercheurs de l'université du Missouri ont ainsi étudié des enfants autistes équipés de bracelets Q-Sensor – commercialisés par la start-up Affectiva et dédiés à la détection des émotions via la prise en compte des variations de la température corporelle. Ces recherches ont montré que les accès de fureur soudains auxquels sont parfois sou-mises ces personnes sont précédés d'une variation de la résistance électrique de la peau et d'une augmentation de la transpiration (dans 60 % des cas). Dans un autre registre, le fait que les personnes autistes aiment souvent les mécanismes, les machines et la répétition, a donné l'idée à la société luxembourgeoise LuxAI de concevoir un robot dédié à l'enseignement aux enfants présentant de tels troubles. Le QTrobot est un robot humanoïde mesurant 60 cm, pesant 5 kg et doté d'un écran de visualisation LCD, d'une caméra 3D, d'un microphone et de haut-parleurs. Il affiche une large gamme d'expressions émotionnelles faciles à identifier. Mieux surveiller le diabète La chaussure connectée du français Parade alerte les aidants en cas de chute de son porteur et les conduit vers le lieu de l'accident. D'une manière générale, les robots humanoïdes devraient prendre une place de plus en plus importante dans le domaine de la santé. La start-up toulousaine New Health Community a, par exemple, présenté, lors de CES 2019, Charlie, un robot médical autonome au service des patients comme du personnel médical. Charlie sait rassurer les patients, répondre à leurs questions – en produisant des documents, des vidéos… –, les guider au sein de l'hôpital, leur proposer des relaxations, etc. Il mesure 1,60 m, pèse 65 kg, inclut un Lidar et une caméra infrarouge, et se déplace sur roulettes. Il peut être commandé par la voix, le geste ou via écran tactile. Ce robot peut aussi communiquer via smartphone, tablette ou ordinateur. Dans ses flancs, il renferme un tensiomètre, un oxymètre et un stéthoscope. Les innovations électroniques pullulent aussi pour le dépistage et le suivi d'une maladie qui a pris de l'ampleur avec l'enrichissement de la planète et le vieillissement de sa population : le diabète. Exemple parmi d'autres : la société californienne Siren a mis au point et commercialise des chaussettes pour diabétiques qui surveillent la température des pieds de ces malades et dépistent ainsi une éventuelle blessure. En effet, chez un diabétique, toute blessure du pied est susceptible de s'infecter puis de gangréner. En cas d'augmentation de la température du pied – surveillée par un capteur –, une alerte est transmise via Bluetooth au smart-phone de la personne. Enfin, l'électronique aide à la reconquête de sens en perte de vitesse (vue, ouïe, etc.). En coopération avec l'université de Gand (Belgique) et La société californienne Siren a mis au point et commercialise des chaussettes pour diabétiques qui surveillent la température des pieds de ces malades et peuvent ainsi détecter d'éventuelles blessures. un fabricant japonais de lentilles de contact, l'Imec a mis au point une lentille de contact intégrant de l'électronique. Cette lentille inclut un circuit intégré, une microLed bleue et une antenne annulaire – pour la transmission de données au protocole NFC et pour le transfert d'énergie au circuit intégré et à la microLed. Elle est réalisée en hydro-gel, un gel à base de polymère avec de l'eau pour agent gonflant. Elle devrait être utilisée pour la correc-tion de la presbytie ou d'autres maladies de l'œil ainsi que comme alarme relativement à la santé du porteur. Dans ce dernier cas, reste encore à équiper cet ensemble de capteurs pour la détection, au sein du liquide lacrymal, des composés indicateurs de maladies. Lors de CES 2019, la start-up toulousaine New Health Community a présenté Charlie, un robot médical autonome au service des patients comme du personnel médical.

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