Couverture ElectroniqueS n°127

Objet du quotidien, la voiture n'a pas le droit à la faute. D'origine mécanique, elle abrite de plus en plus d'électronique : composants passifs et actifs mais aussi processeurs, logiciels et réseaux. Une complexité qui induit vite une certaine suspicion sur la fiabilité. A tort ou à raison ? Pour faire un point sur l'électronique automobile, équipementiers et fabricants de composants ont été nombreux à répondre présents. Nul besoin de chauffer la salle, la discussion démarre sur les chapeaux de roue ! « Nous avons l'obligation d'avoir une gamme de composants pour l'automobile, déclare Arnaud Ponthieux (Epcos), pour répondre correctement au cahier des charges des constructeurs. De ce fait, tout comme l'électronique militaire, médicale ou spatiale, l'électronique automobile est fiable ! » Et de dénoncer : « Si elle a mauvaise presse aujourd'hui pour des problèmes de défaillance, c'est que beaucoup trop de véhicules tournent encore avec des composants non conçus pour l'automobile. » S'il y a moins d'accidents sur les routes et plus de confort dans l'habitacle, c'est bien grâce à l'électronique. Alors le réflexe de l'accuser systématiquement de tous les maux est profondément injuste. Par contre, de nombreux problèmes seraient évités si les bons composants étaient utilisés correctement ! Jean Pélissié (Valeo) confirme avec vigueur : « L'électronique automobile est complètement fiable. » Si des pannes interviennent dans les dix-huit premiers mois, elles relèvent de ce qu'on appelle la mortalité infantile, liée à de nouveaux procédés ou à une trop grande légèreté dans la conception mécanique mais certainement pas à la fiabilité des composants eux-mêmes. « En fait, l'absence d'argent est souvent responsable, révèle Jean Pélissié. C'est une conséquence directe car elle induit, par exemple, des montages mécaniques absolument ahurissants qui amènent à prendre de trop grandes libertés avec les limites. Résultat : ça casse parfois ! »Toute l'assemblée s'accorde autour de Michel Valette (Philips) : « Pour l'automobile, on voudrait faire du spatial à un prix grand public ! » Selon Eric Moreau (Freescale), ce défi, qui existe depuis une dizaine d'années, associe une énorme pression sur les coûts à une exigence draconienne sur la qualité et se complique d'un paramètre supplémentaire, le souci d'être compétitif face à la concurrence asiatique. « Les entreprises sont astreintes à un très fort dynamisme allié à une stratégie intelligente pour garder en Europe leur propriété intellectuelle. » Francis Marx (STMicroelectronics) complète cette description du domaine en expliquant qu'en plus de la contrainte sur les coûts, cette industrie doit composer avec des délais extrêmement réduits. En conséquence, les tests au niveau système ne sont pas complets à 100 %. Ce constat fait aussi l'unanimité. « Cette validation incomplète au niveau système ne touche pas que l'électronique automobile, remarque Pierre Sardat (Valeo), mais le client a vite fait de l'incriminer. » Aux yeux du grand public, les pannes système sont souvent mises sur le compte de la fiabilité des composants alors qu'un logiciel ou une configuration mal vérifiés sont en fait responsables. « Mais c'est beaucoup plus difficile à détecter », ajoute Philippe Malécha (Atmel). Et de soulever une autre problématique : « L'électronique inonde le conducteur avec peut-être trop d'informations sur lesquelles il ne peut pas forcément avoir du recul. Alors qu'avant, même si le fonctionnement n'était pas nominal, il ne s'en rendait pas compte. Aujourd'hui, un voyant qui s'allume enclenche vite le cycle panne et garage. » Il y a quelques années, un moteur qui tournait en polluant un peu n'alertait pas l'utilisateur puisqu'il ne le savait pas. L'électronique était moins sophistiquée.La voiture du futur se dessineConcernant le 42 V, cette idée est venue à un moment où la voiture avait besoin de plus de puissance. Comme il fallait réduire le poids du véhicule, une solution était une plus haute tension. Le système devenait assez complexe car le 12 V devait être conservé. Finalement, ce thème a été mis en attente avec l'introduction de systèmes de gestion de la puissance consommée au niveau de toute l'automobile et non pas simplement la batterie. Le problème a été repoussé mais réapparaîtra sans doute quand tout sera électrique.Dans le cadre des évolutions, le sujet se porte sur les relais. Il y a quinze ans, les relais étaient annoncés comme exclus de l'automobile dans les trois ans et pourtant ils sont toujours là. « En dessous de 15 A, le relais est remplacé par un semiconducteur, affirme Jean Pélissié, au-dessus il reste indispensable notamment pour la distribution en tête de véhicule. » Aujourd'hui, les réseaux consomment typiquement entre 100 et 200 A, suivant la vitesse du véhicule, puisque les alternateurs sont tous entre 90 et 100 A au ralenti. En cas de commutation brutale de l'ensemble, les microcontrôleurs ne supporteraient pas. C'est pourquoi le secteur est découpé en sous-secteurs qui sont chacun alimentés par des relais de tête. On pourrait, comme dans l'aviation, utiliser des disjoncteurs statiques, pour le plus grand plaisir des fabricants de semiconducteurs, mais cela coûterait trop cher. « Il y a également un facteur fiabilité car un relais meurt toujours en circuit ouvert, alors qu'avec un semiconducteur des choses bizarres peuvent se passer et la voiture brûle. » Pierre Sardat soutient son collègue : « Oui, les contraintes de sécurité sont bien moindres avec un relais qu'avec un transistor qui peut se mettre en court-circuit un peu impédant et ça chauffe. »Arnaud Ponthieux constate qu'avec la puissance de calcul qui ne cesse d'augmenter, de plus en plus de capteurs sont embarqués. Avec les nouveautés comme l'injecteur piézo pour diesel puis maintenant pour essence, les constructeurs désirent contrôler de mieux en mieux la combustion du moteur, surtout avec le prix du carburant qui ne cesse de croître. Il faut donc acquérir toutes les informations en température, pression, etc. Cette avancée des capteurs se répercute sur les tailles des mémoires dans les microcontrôleurs (512 Ko aujourd'hui et bientôt 1 Mo) car il faut stocker toutes ces données pour ensuite les traiter. « Effectivement, prédit Francis Marx, les capteurs associés à des semiconducteurs correspondent à une demande qui ne va cesser de croître dans les dix ans à venir. » Les trois points-clés de l'automobile sont l'aspect législatif avec l'environnement notamment, l'aspect sécuritaire car le coût global des accidents de la route est énorme et l'aspect confort. Thibaut de Vaureix résume : « Le capteur est le point de démarrage de tout calcul, mesure ou statistique ! »Et la voiture tout électrique ? Pour Jacques Petit (Semikron), si l'électronique de puissance est aujourd'hui très active avec de nombreux projets en route, l'électronique de très forte puissance nécessaire à la voiture tout électrique, et même hybride, reste encore très onéreuse. Et il faut encore régler le problème de la source d'énergie. Jean Pélissié conclut fermement : « Petit à petit, la voiture tout électrique est en train de se faire sous nos yeux ! »

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