Couverture ElectroniqueS n°127

La société d'analyse Future Horizons table sur des ventes de circuits en hausse de 15 % cette année, sur la foi de fondamentaux sains (notamment en termes de capacité de production) mais à condition que la croissance mondiale se maintienne à 4 %. Londres « Notre industrie n'est décidément pas très douée pour prédire son avenir», ironise Malcolm Penn, président de la société d'analyse Future Horizons. Sans même se lancer dans des prévisions à long terme, il est vrai que, pour la seule année 2005, les analystes de tout poil prévoient une évolution du marché mondial des semiconducteurs de… 5 % à +15 % (4 % pour Jean-Philippe Dauvin, de STMicroelectronics, voir encadré), Future Horizons, pour sa part, tablant sur la partie la plus haute de cette fourchette. Pourquoi cet optimisme ? « Le facteur déterminant, que notre industrie autarcique oublie souvent, est la croissance mondiale ; or nous tablons sur 4 % en 2005, mais si cette croissance mondiale s'avérait être beaucoup plus faible (moins de 2 %), notre prévision pour les ventes de semiconducteurs serait plutôt de 10 % ! », explique Malcolm Penn. Les causes possibles d'une chute de la croissance mondiale sont bien réelles, qu'il s'agisse du déficit abyssal et du surendettement des ménages aux Etats-Unis, des tensions enregistrées sur le prix du baril de pétrole ou encore du risque d'un krach chinois qui entraînerait toute l'Asie. Pour autant, les incertitudes concernant la conjoncture mondiale ne suffisent pas à expliquer le fait que l'industrie navigue à vue. Les fabricants font également face à de nouvelles technologies qui ne s'avèrent plus aussi lucratives que par le passé, alors même qu'elles sont bien plus coûteuses à mettre en place. « Si l'ASP des circuits intégrés n'avait pas autant chuté depuis 2000, l'industrie pèserait aujourd'hui 50 milliards de dollars de plus, lesquels seraient quasiment du bénéfice pur », rappelle Malcolm Penn.Quid de la nouvelle génération de dirigeants ?De plus, des problèmes de fiabilité se posent désormais : moins de 40 % des premiers circuits fabriqués en Cmos 0,13 µm sont fonctionnels, ce qui n'était pas le cas il y a encore deux générations. En clair, les fabricants ne voient pas arriver les fruits de leurs investissements dans les proportions attendues, et cela rajoute à l'attentisme ambiant. Parmi les facteurs limitants du prix de vente moyen des circuits intégrés figurent l'importance croissante du marché grand public, où les contraintes de prix sont beaucoup plus fortes ; l'augmentation de la standardisation des produits, qui exacerbe la concurrence ; la pression des sociétés fabless, et, d'une manière générale, le trop grand nombre de sociétés dans l'industrie ; et, bien sûr, l'émergence de la Chine, de l'Inde et, dans une moindre mesure, de la Russie, qui d'un côté exigent des produits finis économiques pour leur marché intérieur et de l'autre commencent à concurrencer les fabricants de composants sur leur propre terrain. A cela risque de s'ajouter, une fois le sévère ajustement de stock terminé, une légère sur-capacité “ mécanique ” de production, limitée toutefois par des investissements restés sages en 2004 (environ 21 % des ventes de semiconducteurs) et qui devraient demeurer au même niveau en 2005. Le décollage industriel des technologies Cmos 0,13 µm et 90 nm ne générera d'ailleurs pas de surcapacité : « Historiquement, le nombre moyen de circuits par tranche est resté remarquablement stable depuis une dizaine d'années, les sauts technologiques étant immédiatement compensés par une hausse de la complexité des puces », constate Malcolm Penn. Et, en termes de capacité, les usines de fabrication sur tranches de 300 mm (plus de 25 sites dans le monde, fonctionnels ou en construction), qui ne tournent encore qu'à la moitié de leur capacité, ne suffiront pas à entraîner l'industrie dans une crise de surcapacité.D'une manière générale, Future Horizons va même jusqu'à trouver quelque avantage à la frilosité ambiante de l'industrie des semiconducteurs : celle-ci devrait éviter toute surchauffe et maintenir une croissance positive à moyen terme, 15 % en 2005, 6 % en 2006, 14 % en 2007 et 22 % en 2008. Cette croissance sera tirée par les radiotéléphones (691 millions d'unités prévues en 2005, soit une hausse de 17,1 % « malgré une surproduction chinoise de plusieurs dizaines de millions d'appareils bas de gamme en 2004 » selon Chris Ryan, de Future Horizons), les PC (+8 % attendus en 2005), l'automobile et le grand public.Reste une autre inconnue, qui n'est peut-être pas négligeable : plus de 50 sociétés du secteur ont changé de CEO en 2004, parmi lesquelles les 4 grands Européens, STMicroelectronics, Philips Semiconductors, Infineon et ASML, et d'autres sociétés très implantées sur le Vieux Continent comme Freescale, IBM ou Texas Instruments. « Une saignée sans équivalent dans l'histoire de notre industrie », rappelle Malcolm Penn, et qui aura forcément des répercussions au cas par cas.

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