Couverture ElectroniqueS n°127

Le marché de la télémédecine est prêt à décoller en France. Fournisseurs de composants, mais aussi de systèmes embarqués, auront un rôle important à jouer dans la définition des futurs systèmes de télésanté. Tyco, Thales, Alcatel, et bon nombre d’autres fournisseurs de l’électronique et opérateurs télécoms ont répondu présent, le 29 septembre dernier, à l’invitation de l’ECE (école centrale d’électronique), école d’ingénieurs parisienne qui a organisé une matinée de conférence à l’occasion de l’ouverture de son option “ Santé et technologies ”. L’ECE, qui a également créé des options dans deux autres domaines en fort développement – énergie/environnement et transport/mobilité – estime que les technologies sont mûres pour accéder à ces marchés. De nombreuses start-up se créent dans ces domaines et les besoins en logiciels, mais aussi en composants et en systèmes embarqués vont se développer. Un signe qui montre que le marché de la télémédecine est prêt à décoller en France est l’audience désormais acquise par le Lessis (syndicat des entreprises des systèmes d’information sanitaires et sociaux). Membre de la Fieec, il regroupe quelque 190 entreprises de l’industrie high-tech – grands groupes et PME – souhaitant s’impliquer dans ce domaine. Selon Yannick Motel, délégué général de ce syndicat, « nous sommes le premier pays du monde en termes d’études, rapports, colloques et séminaires sur la télésanté ». « Pas moins de cinq rapports portant sur ce sujet sont actuellement en cours de préparation. Alors que la France figure au deuxième rang mondial en termes de dépenses de santé, que le déficit de la branche maladie pourrait atteindre 10 milliards d’euros en 2010 et que le nombre de médecins prenant leur retraite ne cesse d’augmenter, il serait grand temps de ne plus se perdre dans les discours et d’agir concrètement afin de réussir à mettre en œuvre un dispositif national de télémédecine », affirme Yannick Motel. L’obstacle n’est pas technologique, mais culturel et réglementaire A ce jour, la France a mené un grand nombre d’expériences en télémédecine, dans certains cas avec beaucoup de bonnes volontés, mais avec les moyens du bord, c’est-à-dire de manière non structurée. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous avons une capacité d’innovation, mais nous ne savons pas la mettre en valeur et associer les briques technologiques. Pourtant, tout ce qui est nécessaire à la mise en place de l’infrastructure de télésanté est disponible sur étagères, affirme le Lessis. De nombreux secteurs du high-tech ont déjà créé des services ou des divisions spécialisés dans la télémédecine et sont prêts à se partager ce marché prometteur. Il répond à un double besoin sociétal : d’une part, réduire les dépenses de santé et, d’autre part, répondre au souhait exprimé par les patients d’être soignés à domicile. Le maintien à l’hôpital ou dans des établissements spécialisés de personnes malades ou dépendantes est très largement responsable du trou de la sécurité sociale. Or, ce maintien pourrait très souvent être évité grâce à la télémédecine. Quelles sont donc les raisons de cet immobilisme ? Pour le Lessis, cela s’explique par une carence de la gouvernance des TIC Santé et de la faiblesse de la volonté politique. A deux reprises, en novembre 2008 et en janvier 2009, le président de la République avait pourtant déclaré que « la télémédecine était une absolue priorité ». Pour transformer le discours en mesures concrètes, une agence spécialisée a tout récemment été mise en place (voir encadré), ce qui pourrait permettre d’avancer sur le plan réglementaire et donner une impulsion à ce marché en France. Reste l’obstacle culturel. En dépit de prises de positions favorables de la part de l’ordre des médecins, le corps médical reste généralement réticent à franchir le pas. Une résistance qui ne pourra être vaincue que lorsque la confiance entre le personnel de santé et les ingénieurs aura été instaurée, ce qu’un cursus tel que celui que vient de mettre en place l’ECE pourrait contribuer à obtenir. Les cours dispensés aux futurs ingénieurs de cette école ayant choisi l’option “ Santé et technologies ” seront d’ailleurs en grande partie assurés par des praticiens en activité. Michel Gagneux, président de l’ASIP Santé, reconnaît cet obstacle culturel. « Les outils technologiques sont indispensables, mais ont un tel impact que leur implantation dans les organisations médicales est compliquée. 20 % à peine de nos établissements de santé disposent d’un dossier patient informatisé et la plupart des médecins qui ont un ordinateur ne l’utilisent que pour transmettre les feuilles de maladie. Or, 15 % des actes de radiologie, par exemple, sont prescrits de façon redondante », regrette-t-il. Il insiste néanmoins sur le fait qu’un opérateur public est désormais installé au sommet de l’Etat et que des progrès devraient donc être perceptibles. « Il nous faut prendre en compte la dimension sociétale, éthique, dans le respect des personnes, de leur intégrité morale et physique. Aussi, avons-nous besoin d’ingénieurs dans les organismes publics de santé », indique-t-il. Une coordination internationale s’avère indispensable Le marché de la télémédecine qui semble prêt à s’ouvrir aujourd’hui en France ne laisse pas insensible les industriels. Prêts à coopérer avec l’ECE en termes d’offre de stages et parfois aussi en tant qu’enseignants, ils sont bien conscients que ce marché pourra leur offrir de nouveaux débouchés internationaux, et cela d’autant plus, si la technologie française est vendue à l’étranger. « Sur les 7 milliards d’individus qui peupleront notre planète en 2012, un sixième aura plus de 50 ans. Par ailleurs, 57 % de la population des pays émergents sont actuellement privés de soins. Parallèlement, une cinquantaine de pays disposent d’une structure qui s’intéresse à la télésanté. Il existe 300 000 infrastructures médicales, mais essentiellement dans les grandes villes. Il nous faut donc des projets de coordination à l’échelle mondiale tout en étant présents dans les organismes de normalisation. Notre faible participation aux comités de normalisation et de standardisation est l’une des faiblesses de la France », souligne Michel Schaller, vice-président du Gixel (groupement professionnel des composants et sous-ensembles électroniques) et spécialiste de la télésanté chez Thales. Naissance d’une agence gouvernementale au service de l’e-santé Les attributions de l’ASIP Santé, agence des systèmes d’information partagés dans les secteurs de la santé et du médico-social, viennent d’être précisées par un arrêté du 8 septembre et d’être publiées au journal officiel du 15 septembre. Placée sous la tutelle du ministère de la Santé, elle a vocation à contribuer à l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins. Ses missions s’étendent de la conception et du déploiement de systèmes d’information partagés, tel que le dossier médical personnel (DMP), à la production et la promotion de référentiels nationaux et internationaux, notamment en matière d’interopérabilité technique et sémantique, et de systèmes de sécurité comme la carte professionnelle de santé (CPS). C’est également l’ASIP Santé qui est en charge du développement des usages. Enfin, en cohérence avec la stratégie nationale en matière de systèmes d’information de santé, l’ASIP Santé est sollicitée régulièrement pour apporter son expertise technique et ses compétences métier dans le cadre du développement de projets pointus tels la téléradiologie ou l’accompagnement des acteurs de terrain, lors de la prise en charge de pandémies. L’ASIP Santé s’est récemment associée à la Fieec pour étudier les aspects industriels du développement des applications de télémédecine et télésanté dans le respect de l’interopérabilité et de la normalisation. Cette étude aura notamment pour objet de comparer, par types d’application, les programmes conduits au plan international et d’en étudier les impacts industriel et organisationnel.

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